INTRODUCTION

L’année de maîtrise offre aux étudiants en géographie une double opportunité, celle de travailler sur un sujet qu’ils apprécient et celle partir à la découverte d’un espace. L’intitulé du sujet de ce mémoire, « Patrimonialisation et acteurs locaux dans la vallée du Cher », traduit bien la façon dont mon double choix s’est opéré : choix d’un sujet, à savoir l’étude de la patrimonialisation et des acteurs de celle-ci, et choix d’un cadre d’étude relativement vaste, la vallée du Cher. Il me semble important, tout d’abord, d’évoquer les raisons qui m’ont poussé à choisir la vallée du Cher comme cadre d’étude. Dans la plupart des cas, deux raisons peuvent pousser un étudiant à opter pour un espace d’étude spécifique :
- première raison, sa démarche est d’étudier cet espace « pour lui-même »
- seconde raison, sa volonté est de travailler sur un thème précis et il choisi ensuite un espace sur lequel l’appliquer.
Pour ma part, c’est cette seconde raison qui explique mon intérêt pour la vallée du Cher. Ayant depuis quelques temps l’envie de travailler sur le thème du patrimoine, je trouvais enfin dans l’année de maîtrise une bonne occasion d’en faire l’objet d’une recherche approfondie. Il ne faisait donc nul doute que mon sujet serait axé autour de ce thème, mais il me fallait un espace sur lequel appliquer mes réflexions : la vallée du Cher devint cet espace. Ce choix ne fut nullement le fruit du hasard, puisque je pratiquais, au sens géographique du terme, cet espace depuis quelques années : j’habite en effet une commune de cette vallée, et j’ai déjà eu l’occasion à maintes reprises d’en observer plusieurs autres. Je la connaissais donc suffisamment pour en apprécier certaines caractéristiques propices à une étude patrimoniale.

Pourtant, il peut paraître étrange venant d’une personne habitant le département de l’Indre-et-Loire, d’étudier une vallée qui ne soit ni celle de la Loire, ni celle de l’Indre. À tort ou à raison, la vallée du Cher ne suscite pas le même intérêt que les vallées citées précédemment. Beaucoup de livres et de mémoires de recherches paraissent sur la vallée de l’Indre, et encore plus sur la vallée de la Loire, mais très peu sur la vallée du Cher. La partie de cette vallée située en Indre-et-Loire semble peu susciter l’intérêt des chercheurs, quel que soit leur domaine de prédilection : les géographes, les historiens, les architectes ou les spécialistes du patrimoine s’intéressent peu à cet affluent de la Loire. Malgré tout, j’ai acquis depuis un certain temps la conviction que ce fleuve ne mérite pas ce désintéressement, et que son patrimoine peut faire l’objet d’une étude. Fort heureusement, les producteurs de travaux de recherches ou d’œuvres littéraires ne sont pas les seuls à pouvoir estimer la valeur d’un espace. Le discours des acteurs locaux, qui par leur présence et leurs missions connaissent parfaitement le fleuve et ses abords, apparaît alors comme une alternative majeure aux productions littéraires. C’est ainsi que j’ai décidé de porter mon attention sur la chaîne de communes qui s’égrainent au fil du Cher, car cette quinzaine de municipalités peut aussi se présenter comme une source abondante de discours différents sur le patrimoine ; des discours à la fois inhérents aux élus, aux organes de l’état, aux membres d’associations,… Les discours sur le patrimoine prennent donc naissance dans les communes, et leur analyse apporte une aide précieuse à la compréhension des actions menées en terme de patrimoine dans la vallée du Cher.

Mon choix de la vallée du Cher comme cadre d’étude trouve donc son explication dans la réunion de plusieurs facteurs essentiels. Cette vallée du Cher s’est rapidement présentée comme un espace idéal pour une analyse du processus de patrimonialisation. Elle rassemblait un ensemble de caractéristiques propres à l’exploration des multiples thématiques de ce processus que je souhaitais développer. Elle offrait par exemple la possibilité de solliciter un grand nombre d’acteurs et d’avoir ainsi beaucoup de points de vue. En outre, à mesure que je découvrais et redécouvrais cet espace de nouvelles thématiques de travail venaient agrémenter mes perspectives de recherches. Je peux l’affirmer, ce choix de la vallée du Cher fut en tous points positif car il m’apporta de nouvelles pistes de travail tout en me permettant de certifier ou bien d’infirmer les hypothèses que j’avais formulées au départ.

Dans le but de structurer mon raisonnement, j’ai élaboré une problématique de recherche qui guidera mes réflexions. Elle se présente sous la forme d’une question relative à mon sujet, et demeurera l’objet de toute mon attention, puisque c’est par le présent travail que je tenterai de trouver des réponses. Elle se présente ainsi :

Nous verrons au cours de ce mémoire que les acteurs, qu’il faudra identifier, sont à l’origine de la genèse du processus de patrimonialisation, et que c’est sur leurs décisions et leurs relations que seront détectables les conséquences. La notion de patrimonialisation est intimement liée à la notion d’acteur, ce que cette problématique sous entend et ce que ce travail démontrera. À partir de cette question principale, j’ai sélectionné des thèmes de recherche dont l’étude permettra d’apporter des éléments de réponse. Le thème central sera « la patrimonialisation », puisque c’est autour de lui que viendront se greffer les autres thèmes. Je m’intéresserai aussi à « la valeur du patrimoine » et à la « la protection du patrimoine », qui sont liées et qui apportent un nécessaire complément d’information au thème de la patrimonialisation. Une réflexion sur les thèmes des « acteurs » et des « conflits » fournira un éclairage sur le rôle que jouent les Hommes dans ce processus. Bien sur, je n’oublierai pas de développer le thème de « la vallée du Cher », le cadre de toutes mes réflexions devant être étudié en détails.

Ce travail s’organise en trois chapitres, les deux premiers s’appuyant sur deux thèmes chacun, et le troisième sur trois thèmes. Le premier chapitre sera l’occasion d’une mise en place de notre base de travail, à travers l’étude de la vallée du Cher et du processus de patrimonialisation. Nous présenterons l’ensemble fluvial, et jugerons de la pertinence du choix d’un tel cadre d’étude. Ensuite, nous nous attacherons à définir et comprendre deux concepts fondamentaux, à savoir le patrimoine et la patrimonialisation.
Le deuxième chapitre permettra de développer la notion de processus de patrimonialisation, d’abord en explicitant son origine, la valeur patrimoniale, ensuite en expliquant la situation qui en résulte, la protection du patrimoine.
Le troisième chapitre débutera par une présentation des acteurs qui agissent sur le patrimoine, et donc sur le processus de patrimonialisation. J’étudierai ensuite des cas précis de patrimonialisation, auxquels divers acteurs prennent part, et je terminerai en détaillant les différents conflits qui peuvent naître pendant ou après le processus.