B.
Protéger des espaces
1. Mise en place d’une ZPPAUP
: l’exemple de Bléré
Le recours au classement et à l’inscription
permet de protéger efficacement des édifices. Cependant,
le patrimoine des communes de la vallée du Cher ne se limite
pas à quelques monuments isolés, placés sous
la protection de l’État. Les premiers spécialistes
du patrimoine, tel Riegl, ne considéraient les monuments
que dans leur unité, sans se soucier de leur environnement
immédiat. Aujourd’hui, les spécialistes de
la question patrimoniale ainsi que de nombreux acteurs envisagent
la question différemment. Ils s’intéressent
de plus en plus à des quartiers anciens ou des ensembles
urbains qui incluent les monuments majeurs (protégés)
ainsi que les bâtiments situés dans leur entourage
proche. On considère désormais qu’un monument
seul n’a pas de sens, c’est son appartenance à
un ensemble bâti qui fait sens. Gustavo Giovannoni, spécialiste
du patrimoine et inventeur du terme « patrimoine urbain
», considère que « le tissu articulé
des édifices mineurs constitue le contexte de l’édifice
majeur, chacun est solidaire de l’autre, l’un n’a
pas de sens historique et esthétique sans l’autre
» (Giovannoni 1931 : 20). Il devient donc indispensable
de se préoccuper du sort des bâtiments qui composent
cet ensemble, tant les actions négatives qui pourraient
être menées sur eux seraient susceptibles de nuire
directement ou indirectement aux monuments protégés.
Mais ce nouveau concept montre aussi une nouvelle manière
d’envisager le patrimoine, non plus comme un édifice
mais comme un espace. Dans les villes et les villages, on s’attache
de moins en moins à mener des actions sur des immeubles
isolés car on leur préfère une gestion globale
du bourg ancien. Les communes prennent conscience que leur image
est véhiculée principalement par le patrimoine bâti
du centre ancien et envisagent de plus en plus leurs actions à
cette échelle. Depuis une vingtaine d’années,
des mesures de protection d’espace viennent les aider dans
leur démarche.
Ainsi, depuis la loi
de décentralisation du 7 janvier 1983, les communes ont
la possibilité d’établir une zone de protection
du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) qui remplace
la zone des 500 m de co-visibilité située autour
d’un monument classé ou inscrit. Elle peut aussi
être instituée dans un quartier ou un site à
protéger, indépendamment de la présence d’un
monument classé.
Sa mise en place commence par une décision du conseil municipal
de la commune qui entreprend sa mise à l’étude,
à laquelle participera l’architecte des bâtiments
de France. Les habitants de la commune ainsi que les associations
sont sollicités pour l’établissement du futur
périmètre de protection. Sa création est
officialisée par un arrêté du préfet
de région, qui doit auparavant demander l’avis de
la commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS)
et obtenir l’accord de la commune. Dans la zone de protection,
la construction, la démolition ou la modification de tout
immeuble est soumise à autorisation, c’est à
dire qu’il est obligatoire de demander un permis de construire
sur lequel l’architecte des bâtiments de France donne
son avis conforme.
Lorsqu’elle est mise en place, la ZPPAUP se substitue à
la protection des abords des monuments historiques, elle permet
de définir en concertation avec l’État (représenté
par l’ABF) un zonage plus précis et plus approprié
aux particularités du lieu. Elle constitue un outil efficace
pour les communes qui désirent entreprendre une gestion
avancée de leur centre ancien. Elle est parfaitement adaptée
aux petites communes qui peuvent identifier grâce à
ce nouveau périmètre les éléments
qui constituent leur patrimoine. J’ai décidé
d’exposer le cas de Bléré, une commune de
la vallée, qui a choisi de se doter d’une ZPPAUP
afin de mieux délimiter le périmètre de protection
de ses trois monuments historiques classés et de son monument
inscrit. Le périmètre de la ZPPAUP est rendu public
dans la brochure communale « Bléré Infos »,
dont la dernière édition présentait les dernières
modifications.

Figure 9 : Mise en place d’une
Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager
à Bléré, 2004. Réalisation : Brice
Bonaldi.
Sur cette carte sont représentées
les zones de protection des abords (rayon de 500 mètres
autour du monument) qui ont été remplacées
par la ZPPAUP. On s’aperçoit que la nouvelle zone
de protection est moins vaste que l’espace occupé
par la protection des abords. La ZPPAUP recouvre tout le centre
ancien ou se situent deux monuments classés et un monument
inscrit, tandis que le troisième monument classé,
le plus à l’est, bénéficie d’une
zone de protection assez restreinte sur ses faces nord et est.
Ceci peut s’expliquer par la présence d’une
piscine municipale et d’un camping dans la zone bâtie
située juste au nord, peu compatibles avec les principes
de protection, et par la présence de pavillons des années
50’ dans la partie est de la commune, qui dénotent
avec le centre ancien. La carte suivante illustre parfaitement
cette volonté de la commune de limiter la protection au
seul patrimoine bâti ancien.
Figure 10 : Les zones non intégrables
à la ZPPAUP de Bléré, 2004. Réalisation
: Brice Bonaldi.
Il ressort sur cette carte
que des espaces jugés incompatibles avec les critères
de protection ont été volontairement exclus de la
ZPPAUP. La commune et l’architecte des bâtiments de
France, à travers ce périmètre, ont cherché
à concentrer leur politique de protection sur les bâtiments
anciens, les usines, les maisons neuves, constructions collectives
récentes (piscine, camping) ou encore le centre commercial
ne sont donc pas intégrés à la ZPPAUP. Leur
présence dans la zone de protection serait à la
fois incohérente – la destinée des monuments
n’étant pas liée à celles des usines
ou du camping – et source de complexité puisqu’il
serait difficile de leur appliquer les effets inhérents
à l’adoption d’une ZPPAUP.
2. L’inscription et le classement des sites
:
La protection d’espaces
patrimoniaux ne s’arrête pas à la mise en place
de ZPPAUP. D’autres mesures, tels le classement et l’inscription
sur l’inventaire des sites, permettent une protection efficace
d’un ensemble bâti.
Dès 1906, qui marque
l’adoption de la première loi de protection des sites,
la volonté de protéger des espaces bâtis et
paysagers s’est manifestée chez les plus hauts responsables
de la sauvegarde du patrimoine. Renforcée dès 1930,
la législation sur les sites s’applique désormais
aux sites naturels dont « la conservation ou la préservation
présente au point de vue artistique, scientifique, légendaire
ou pittoresque, un intérêt général.
» (loi du 2 mai 1930). Le terme « site naturel »
est employé, pourtant cette loi ne vise pas les sites exclusivement
naturels. Il s’agit de protéger un site dans sa globalité,
en associant par exemple un monument bâti à son environnement
naturel proche. Il faut bien entendu que patrimoine bâti
et patrimoine naturel soient liés aussi bien géographiquement
qu’historiquement ou esthétiquement. Pareillement
à la législation sur les édifices, la loi
de 1930 distingue deux degrés de protection : l’inscription
et le classement.
L’inscription d’un
site sur l’inventaire des sites dépend de la commission
départementale des sites, qui « prend l’initiative
des inscriptions qu’elle juge utiles et donne son avis sur
les propositions d’inscription qui lui sont soumises après
en avoir informé le conseil municipal intéressé
» (Bezançon 1992 : 136), le simple avis de ce dernier
étant nécessaire. Ensuite, si la commune ne donne
pas suite dans les trois mois un arrêté d’inscription
du ministre chargé de la culture est prononcé. Le
préfet se charge de prévenir le propriétaire
du site qui ne peut que constater l’inscription, son consentement
n’étant pas requis. Le propriétaire pourra
toujours entretenir son bien tant qu’il ne s’agit
que de « travaux d’exploitation des fonds ruraux »
(Bezançon 1992 : 136). Pour entreprendre des travaux sur
les bâtiments, il doit en avertir l’administration
(quatre mois à l’avance) qui lui délivrera
un permis de construire contenant un avis simple de l’architecte
des bâtiments de France (la commune peut passer outre l’avis
de l’architecte mais elle engage alors sa responsabilité).
La publicité est interdite dans la périmètre
du site dont la délimitation figure sur le POS (plan d’occupation
des sols) ou sur le PLU (plan local d’urbanisme) si la commune
s’en est doté d’un.
La vallée du Cher possède deux sites inscrits :
le château de Villandry et ses jardins depuis 1947 et le
parc du Château du paradis à Saint-Avertin depuis
1958. La carte suivante montre la superficie occupée par
le site du château de Villandry.

Figure 11 : Inscription
sur l’inventaire des sites : l’exemple de Villandry,
2004. Réalisation : Brice Bonaldi.
Nous pouvons constater que le site occupe une surface très
étendue (46 ha), comprenant le château, ses fameux
jardins, une grande partie de son domaine forestier ainsi que
les bâtiments attenants. La commission départementale
des sites a choisi d’inclure une partie conséquente
du centre ancien car le château s’en trouve très
proche ; cela rend possible une interdiction de la publicité
à proximité d’un monument renommé qui
doit garder une bonne image de marque. De même, les personnes
domiciliées à l’intérieur du périmètre
du site doivent obtenir un avis simple de l’architecte des
bâtiments de France lorsqu’ils font une demande de
permis de construire ; les travaux sont contrôlés
mais la mairie peut prendre la responsabilité de délivrer
le permis par un avis simple. Dans ce cas, si la commission départementale
des sites constate une atteinte à la préservation
du site, son statut l’autorise à sanctionner la commune.
Ces effets sont expliqués, aux personnes concernées,
d’un manière plus abordable que les textes de loi
dans les fiches pratiques éditées par la FNASSEM
(Fédération nationale des associations du patrimoine
et des paysages), qui cherche à fédérer les
associations de sauvegarde des sites et ensembles monumentaux,
mais aussi à sensibiliser l’opinion publique.
Si la commune, le commission
départementale des sites ou la commission supérieure
décident que l’inscription d’un site n’est
pas suffisante, elles peuvent recourir au classement. Suite à
la demande, le préfet organise une enquête lors de
laquelle le bien fondé du classement sera éprouvé.
Dès lors que l’arrêté de classement
est signé, le public est associé au projet puisque
des notices explicatives et un plan de délimitation sont
mis à sa disposition, l’idée étant
tout autant d’informer que d’éduquer la population.
Un délai de vingt jours leur est même accordé
afin qu’ils puissent faire part de leurs observations à
la commission qui pourra peut-être en tenir compte. C’est
pendant cette période que les propriétaires directement
concernés par le classement font connaître leur position
vis à vis du projet, leurs remarques, si elles sont pertinentes,
pouvant entraîner des modifications. Le classement devient
effectif après « arrêté ministériel
ou pas décret en conseil d’État. Il est notifié
aux personnes privées concernées, publié
au Journal Officiel et soumis à la publicité foncière
» (Bezançon 1992 : 137). Une indemnité est
versée aux propriétaires pour qui le classement
entraîne un préjudice financier, puisqu’ils
doivent se conformer à ses prescriptions.
Les effets du classement d’un
site sont beaucoup plus lourds que ceux de l’inscription,
puisque la loi précise que les sites classés «
ne peuvent être ni détruits, ni modifiés dans
leur état sauf par autorisation spéciale du ministre
chargé des sites » (loi du 2 mai 1930). Il s’agit
d’une exigence délicate pour les propriétaires
car leurs actions dépendent directement du ministère
(qui délivre le permis de construire), pouvoir centralisé
dont les préoccupations ne peuvent pas être aussi
locales que les communes ou les architectes des bâtiments
de France. La publicité est interdite, et les propriétaires
de biens situés dans la zone du classement qui souhaitent
les mettre en vente doivent avertir les futurs acquéreurs
de l’existence du « classement de site ». Encore
une fois, le classement entraînant un usage complexe du
site (autorisation ministérielle nécessaire pour
engager des travaux) il peut poser problème aux propriétaires
qui désirent vendre leur bien, le statut de classement
faisant réfléchir l’acheteur potentiel. On
comprend ainsi que les propriétaires de biens situés
sur le site aient eu la possibilité de « faire connaître
au préfet leur accord ou leur opposition au projet »
(Bezançon 1992 : 137) lorsque celui ci était en
cours de réalisation. Même si l’état
consent à donner des subventions pour des « travaux
d’entretien et de mise en valeur » (Bezançon
1992 : 137), les effets du classement sont surtout de nouvelles
contraintes pour les propriétaires : leur bien est difficilement
modifiable, sa revente est rendue plus difficile. Ce manque de
liberté pour les propriétaires est pourtant une
garantie pour l’efficacité de la protection.
Le parc du domaine du Manoir de Paradis, à Saint-Avertin,
demeure le seul cas de site classé dans la vallée
du Cher. Les ruines du château du paradis situées
dans le parc sont inscrites sur l’inventaire supplémentaire
des monuments historiques depuis 1962, mais le parc avait bénéficié
d’un classement de site dès 1958.
3. Inscription
du Val de Loire au patrimoine mondial de l’UNESCO : reconnaissance
et protection de la vallée du Cher
Nous allons à présent
évoquer ce qui constitue peut-être l’aboutissement
ultime des mesures de protection : l’inscription d’un
site sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Appartenir
à cette prestigieuse liste signifie pour un site que toutes
les mesures de protection de son patrimoine (bâti ou naturel)
lui ont permis de maintenir ses atouts dans un état respectable
et de les pérenniser.
L’inscription se déroule
d’un manière assez simple. Tous les états
ayant ratifié la convention du patrimoine mondial ont la
possibilité de proposer des sites de leur territoire. L’impulsion
peut être aussi bien le fait de l’état lui
même que d’une collectivité locale ou d’un
personne privée. Un dossier complet détaillant le
projet d’inscription, avec notamment une explication poussée
de la délimitation du site proposé, doit être
soumis au comité du patrimoine mondial de l’UNESCO,
qui demande conseil à l’association ICOMOS (International
Council on Monuments and Site – Conseil International des
Monuments et des Sites) avant d’inscrire le nouveau site.
Le comité vérifie l’état de conservation
du site ainsi que les mesures prises par les autorités
pour le protéger. Il peut accorder des subventions émanant
du Fond du patrimoine mondial si une restauration est indispensable.
Il est permis de demander l’inscription de trois types de
biens culturels : les monuments, des ensembles (groupes de construction
isolés ou réunis) et des sites (œuvres de l’homme
ou œuvres conjuguées de l’homme et de la nature).
Ces étapes furent franchies
avec succès par les responsables de l’inscription
du « Val de Loire », le parc naturel régional
« Loire-Anjou-Touraine », puisque le site est inscrit
sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis le
2 décembre 2000. La délimitation du site fût
une étape essentielle pour l’obtention du précieux
label, un essai infructueux en 1999 ayant déjà eu
pour origine un tracé, incluant des centrales nucléaires,
critiqué par le comité du patrimoine mondial. À
ce sujet, La Nouvelle République datée du 3 décembre
1999 annonçait que « quand le dossier Loire est venu
sur la table, les représentants de l'Australie, de la Grèce
et de la Finlande sont montés au créneau, car ils
n'avaient pas d'atomes crochus avec ces centrales ». La
nouvelle délimitation proposée en 2000 excluait
alors les zones responsables de l’échec, notamment
la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux dans le
Loir-et-Cher. Mais elle incluait toujours une partie relativement
importante de la vallée du Cher, puisqu’environ la
moitié (en longueur) de la partie du Cher située
en Indre-et-Loire en faisait partie. Les responsables du dossier
d’inscription ne se satisfaisaient pas de la seule vallée
de la Loire, la vallée du Cher (et la vallée de
l’Indre) regorgeant aussi d’un riche patrimoine dont
l’intégration dans le site ne pouvait être
que bénéfique. C’est ainsi qu’une partie
des territoires de Villandry, Savonnières, Saint-Genouph,
Ballan-Miré, Saint-Avertin et Veretz appartiennent désormais
au prestigieux site du Val de Loire inscrit au patrimoine mondial.
Fortes de 17 châteaux et 13 manoirs, dont un château
de grande renommée (Villandry), ces communes relativement
proches de la Loire sont parfaitement à leur place aux
cotés des autres communes du site.
Les communes de Tours et de Joué-les-Tours, traversées
par le Cher, appartiennent également au site mais ne faisant
pas partie de mon cadre d’étude je n’évoquerai
pas d’avantage leur présence. La carte suivante présente
la place occupée par la vallée du Cher dans la délimitation
du site inscrit en Indre-et-Loire. Les communes de la vallée
du Cher concernées par l’inscription sont représentées,
ainsi que le périmètre précis du site qui
s’étend sur une zone de deux kilomètres autour
du Cher (comme cela est aussi le cas pour la Loire ou l’Indre,
avec quelques irrégularités pour intégrer
des monuments).

Figure 12 : Inscription
du Val de Loire au Patrimoine mondial de l’humanité
: la place de la vallée du Cher, 2004. Réalisation
: Brice Bonaldi.
Pour les communes de la vallée
du Cher, l’intégration à cet espace reconnu
par l’UNESCO doit être perçue autant comme
une chance que comme une obligation de préserver d’avantage
encore le patrimoine bâti (et naturel). En effet, parmi
les quatre critères retenus par le comité pour définir
le caractère exceptionnel du Val de Loire figure celui-ci
:
« Le Val de Loire est remarquable pour la qualité
de son patrimoine architectural, avec ses villes historiques telles
que Blois, Chinon, Orléans, Saumur et Tours, mais plus
particulièrement pour ses châteaux de renommée
mondiale, comme celui de Chambord. »
Le caractère remarquable du patrimoine architectural s’applique
aussi aux nombreux bâtiments de valeur, historique ou artistique
en particulier, de cette portion de la vallée du Cher.
Les initiateurs du projet ont sans aucun doute cherché
à rendre le site encore plus exceptionnel en y incorporant
des communes n’étant pas géographiquement
situées dans le Val de Loire, mais recelant des trésors
du patrimoine tel le château de Villandry ou le château
de Beauregard à Veretz (ancienne demeure de Paul-Louis
Courier).
Pour les villes et villages de la vallée du Cher, les effets
de cette inscription sont multiples. L’UNESCO n’impose
aucune action autre que la préservation du site, Bernard
Valette précisait d’ailleurs dans La Nouvelle République
datée du 12 janvier 2001 que « il s’agit de
considérer la Loire dans sa physionomie existante ».
C’est donc en terme de retombées économiques
que les effets seront les plus sensibles. Ainsi, un développement
touristique, qui s’accompagnera du lancement de nombreux
projets, est attendu ; un article de La Nouvelle République
du 30 mars 2001 relate les espoirs des acteurs locaux : «
ce classement va permettre l’élargissement de la
clientèle touristique, à la recherche d’activités
liées à l’environnement et à la nature.
L’espoir est d’augmenter la durée des séjours
des touristes ». Le renforcement de l’attrait touristique
résulte de la nouvelle image de marque du site, un autre
effet dû au label « patrimoine mondial ». Les
différents acteurs (communes, propriétaires de monuments,
organismes publics ou privés,…) peuvent utiliser
ce label qui est contrôlé par le comité de
pilotage de la mission Val de Loire Patrimoine mondial de l’Unesco.
L’État français
est garant de la pérennité du site, mais pour conserver
toutes les qualités de cet espace et le valoriser il doit
faire appel aux différents acteurs locaux. Ceux-ci sont
bien conscients de leur mission et ont tous un avis sur la question
de l’inscription, qu’ils soient élus d’un
commune incluse dans le site, d’un commune non incluse ou
membres d’association.
L’adjoint au maire chargé du patrimoine de Veretz
(incluse en partie dans le site) accueille naturellement cette
nouvelle avec un enthousiasme certain, nuancé toutefois
par quelques inquiétudes. La commune devrait, selon lui,
tirer beaucoup de bénéfices de la situation, des
retombées touristiques étant très attendues.
Mais il sait que la municipalité devra s’engager
dans de nouveaux projets, principalement environnementaux et touristiques,
pour à la fois mériter le label « patrimoine
mondial » et satisfaire les nombreux visiteurs (développement
d’infrastructures pour les touristes).
Les adjoints et les maires des communes non incluses au site que
j’ai pu rencontrer sont tous du même avis : l’inscription
du Val de Loire ne peut être que positive pour la vallée
du Cher, y compris la portion exclue de la délimitation.
Ils espèrent que la proximité avec la Loire sera
suffisante pour que les touristes ne limitent pas leur périple
au seul site inscrit. Ils comptent capter une partie des visiteurs
en jouant sur leurs atouts que sont le patrimoine et leur capacité
d’accueil. Une commune comme La-Croix-en-Touraine souhaite
aménager un espace de camping pour attirer des voyageurs
et les maintenir sur place (plus ils restent longtemps et plus
ils sont intéressants économiquement). Pour cela,
elle doit les convaincre de venir ce qui passe, entre autre, par
une mise en avant du patrimoine locale. À ce sujet, le
maire adjoint de Bléré, monsieur Gauthier, parle
de la nécessité « de faire des actions de
mise en valeur », car cela « va amener des obligations
pour justifier l’inscription » ; cette mise en valeur
du patrimoine devrait stimuler la venue de touristes qui seraient
amenés à visiter le Val de Loire inscrit. Les élus
de cette moitié de vallée du Cher non inscrite savent
qu’ils possèdent un pôle attractif dans leur
zone, le château de Chenonceaux, qui devrait décider
des touristes à ne pas se contenter des visites des châteaux
de la Loire. Afin de favoriser leurs facilités de déplacements,
un des moyens avancés par les élus serait l’ajustement
de l’itinéraire de « La Loire à vélo
», important projet de réseau cyclable à l’échelle
de la Loire qui pourrait desservir aussi ses affluents. L’inscription
du Val de Loire apporte une nouvelle importance à ce projet,
tant il véhicule l’idée d’une vallée
à visiter dans son entièreté pour mieux en
apprécier les qualités architecturales. Les élus
du Cher souhaitent être rattachés à ce projet
pour profiter des retombées économiques escomptées.
L’inscription du Val de Loire au patrimoine mondial de l’humanité
est une récompense pour tous les acteurs de la protection
du patrimoine. Elle est la reconnaissance du respect du patrimoine
aussi bien dans la vallée de la Loire que dans une partie
de la vallée du Cher. Les différentes mesures de
protection mise en place dans les communes de la vallée,
aussi bien pour des édifices que pour des sites, témoignent
de ce respect pour le patrimoine bâti qui reçoit
aujourd’hui un label.
Cette prise en compte du patrimoine, qui ne se limite pas à
l’application des lois de protection, est placée
sous la responsabilité de nombreux acteurs. Le dernier
chapitre de ce mémoire sera l’occasion de présenter
ces acteurs, mais aussi de comprendre le rôle qu’ils
jouent aujourd’hui dans le processus de patrimonialisation.
Nous évoquerons aussi les conflits relatifs au patrimoine,
dont les acteurs sont à la fois les premiers responsables
et les premières victimes.
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